Entre 2019 et 2024, des habitant·e·s de Molenbeek ont analysé leurs droits au logement et au quartier dans le cadre d’ateliers d’alphabétisation populaire. Partant de leurs situations concrètes de mal-logement, ils·elles en ont cherché les causes et ont participé à des actions pour se faire entendre.

De façon générale, ils·elles dénoncent l’insalubrité des lieux, le prix trop élevé et la hausse des loyers, l’inadaptation des logements et une attente interminable – de 10 à 20 ans – pour accéder à un logement social. Le manque de logements abordables est en lien avec une politique de gentrification qui soutient des projets immobiliers de luxe dont sont exclus les plus pauvres.

Pendant ce processus de recherche-action participative, de nombreux travaux créatifs ont été réalisés pour intervenir dans l’espace public :

Il pleut dans ma cuisine !

De janvier 2019 à juin 2021, une vingtaine d’habitantes molenbeekoises, marocaines et syriennes se sont réunies pour aborder leurs problèmes de logement dans le cadre d’un atelier d’alphabétisation populaire et d’une recherche-action participative.

Elles ont brodé sur des étoffes les situations de logement qu’elles vivaient puis ont cousu leurs broderies sur une grande banderole. Chaque broderie est ornée de boutons dont la couleur indique un problème
particulier : prix trop élevé – doré, insalubrité – noir, logement trop petit – orange, attente de logement social – rouge.
En mars 2021, ces habitantes se sont présentées à la Maison communale de Molenbeek armées de leur banderole pour revendiquer le respect de leur droit au logement auprès des autorités communales.
À travers cette banderole, véritable textile politique, elles expriment une profonde colère, inaudible dans une ville où les classes populaires n’ont pas voix au chapitre.

Molenbeek n’est pas à vendre !

Pourquoi les loyers augmentent-ils ? Pourquoi construit-on des logements trop chers pour la majorité des habitant·e·s ? Les familles les plus
pauvres pourront-elles encore habiter à Molenbeek ?

Telles sont les questions de départ d’une recherche-action menée par des habitant·es de Molenbeek dans un atelier d’alphabétisation populaire. Différents travaux créatifs ont été réalisés dans ce cadre.
L’arpillera « Molenbeek n’est pas à vendre ! » a été réalisée en 2022 par les participant·e·s du projet. Elle représente le canal de Bruxelles-Charleroi à Molenbeek. À droite, les maisons et les logements sociaux à défendre et, sur la gauche, des constructions et des commerces de luxe comme symboles de la gentrification en cours.
« Arpillera » est un mot espagnol qui signifie « toile de jute », en référence aux sacs avec lesquels les femmes chiliennes confectionnaient des fresques textiles représentant les violences du régime militaire de Pinochet, de 1973 à 1990. Ces arpilleras étaient envoyées et vendues en Europe en soutien aux familles restées au pays. Actuellement, elles servent de témoignages des atrocités commises durant la dictature.

La gentrification au fil de l’eau

Un bref aperçu des principales étapes du peuplement de Molenbeek.

Village agricole flamand au Moyen Âge > Politique de gentrification à des fins immobilières et financières actuellement > Commune industrielle à partir du 19e siècle lorsque Wallons et Flamands constituaient le gros de la main d’œuvre > Après la 2e Guerre mondiale, arrivée de travailleurs d’Italie, d’Espagne, du Maroc et de Turquie, entre autres > Crise pétrolière des années 1970 – 1980, qui entraîne la fermeture des usines et le chômage > Premières politiques de « revitalisation » autour de 1990, avec les premiers contrats de quartiers > politique de gentrification à des fins immobilières et financières actuellement.

1.000 poupées en lutte pour le droit au logement

Face à la gravité et à l’urgence du mal-logement en région bruxelloise, plus de 40 groupes d’alphabétisation et d’ateliers d’éducation populaire ont participé à la campagne bruxelloise intitulée “1.000 poupées en lutte pour le droit au logement”, de janvier à juin 2023.

L’objectif de cette campagne était de rendre visibles, dans l’espace public, les dizaines de milliers de familles mal logées ou sans abris de la région bruxelloise, notamment lors de la Journée d’action européenne pour le droit au logement (26 mars 2023) et la Journée des quartiers populaires (27 mai 2023). Plus de 600 poupées ont été créées pour témoigner de situations concrètes de mal-logement indiquées sur des étiquettes.
De nombreuses associations ont participé à la campagne « 1.000 poupées en lutte pour le droit au logement » : Centre Hellénique et Interculturel de Bruxelles, Centres Alpha Anderlecht, Ixelles, Molenbeek, Saint-Gilles, Schaerbeek de Lire et Écrire Bruxelles, Entraide & Culture, Entraide et Fraternité, Infor-Femmes, La Barricade, La Chom’hier, La Porte Verte, La Source, Le Colombier, Le Pavillon, Le Piment, Le Senghor, L’Entrela’ – Centre culturel d’Evere, Ligue de l’Enseignement et de l’Education Permanente, Lire et Écrire Bruxelles, Maison de la Création, Maison de quartier Bonnevie, Maison de Quartier d’Helmet, Maison de Quartier Haren, Maison de Quartier Saint-Antoine, Maison des Enfants d’Anderlecht, Maison des femmes – MOVE, Notre coin du quartier, Paroles, Partenariat Marconi, SAAMO Bruxelles et de nombreuses personnes solidaires.

Flyer de la campagne 1.000 poupées en lutte :

Et nous alors ? On va habiter où ? Dans le canal ?

La recherche-action participative sur la gentrification réalisée entre 2022 et 2024 a donné lieu à une démarche créative de peinture et calligraphie. Pendant une dizaine d’ateliers,
les participant·e·s ont appris ou réappris la calligraphie au calame et la peinture à l’acrylique, en compagnie de Abdelkader Hibbane, peintre et calligraphe.

Ces peintures expriment le droit des habitant·e·s à rester vivre à Molenbeek, où ils·elles ont tissé des liens de voisinage forts. Ils·elles dénoncent ainsi la gentrification, qui provoque l’augmentation des loyers et oblige progressivement les familles pauvres à partir.
La peinture « La violence de la marchandisation du logement ! » fait allusion à l’urgence de s’opposer fermement à cette politique de gentrification et de marchandisation de l’immobilier.